(Le Desk) 1-54 Marrakech : l'Art en renouveau, l'Afrique en équilibre

Jihane Bougrine , Le Desk, February 4, 2025

Depuis sa création en 2018, 1-54 Marrakech s'est imposée comme un
carrefour essentiel pour l'art contemporain africain, faisant résonner la diversité des
scènes du continent et de sa diaspora. Pour cette sixième édition, la foire fondée
par Touria El Glaoui retrouve ses espaces emblématiques à La Mamounia et à DaDa,
place Jamaâ el-Fna. Cette année marque une évolution majeure : l'ouverture vers l'art
moderne, l'arrivée de nombreux nouveaux exposants et une belle présence nord-
africaine confirmant le rôle central de Marrakech dans le marché de l'art africain.
Tombée de rideaux sur un évènement au supplément d'être ce dimanche 2 février. Depuis ses débuts en 2018, la foire qui se célèbre dans continent-54 pays a toujours misé sur la
découverte de talents contemporains, révélant des artistes souvent absents des grands circuits internationaux. La fondatrice de la foire le dit et le repète : « Il n'y a pas "un" art africain, mais des artistes du continent et de la diaspora ». Pourtant, comme le souligne Touria El Glaoui, cette approche pouvait parfois donner
l'impression de sauter une étape historique essentielle. « Beaucoup d'artistes contemporains exposés à 1-54 ont été influencés par une génération précédente qui, elle, reste trop peu
visible sur la scène internationale », explique la fondatrice de la foire.
C'est dans cette optique que l'édition 2025 inaugure un espace dédié aux modernes du
Maghreb, porté par la galerie tunisienne Le Violon Bleu. Une démarche amorcée à Londres
en octobre dernier et qui trouve ici son prolongement naturel, affirmant la nécessité de
raconter une histoire plus complète de l'art africain. « J'ai commencé à faire des recherches et j'ai réalisé que ces artistes n'avaient aucune visibilité. J'ai travaillé avec mon père pendant les quinze dernières années de sa vie et de sa carrière. Je ne faisais pas la promotion de son travail, mais il se débrouillait très bien tout seul. Il avait une
visibilité internationale parce qu'il avait commencé sa carrière en France. C'est là que j'ai eu un déclic : faire partie du récit international, avoir une base de données mondiale, c'était ce qui manquait aux artistes africains ».


L'art s'affirme, les frontières s'effacent 

Cette volonté de rééquilibrer la représentation des artistes africains dans l'histoire de

l'art s'inscrit dans une réflexion plus large menée par Touria El Glaoui depuis la fondation
de1-54 en 2013. L'important est de donner visibilité à des artistes jusqu'alors absents des
grandes foires internationales. C'est pour cela, que cette année , des nouveaux
venus ont fait la part belle à la créativité artistique à l'image de C+N Gallery
CANEPANERI (Milan), Galerie Farah Fakhri (Abidjan, Côte d'Ivoire), space Un (Tokyo, Japon), Galerie Medina (Bamako, Mali) ou encore Hunna Art (Koweit). « À mes débuts, la
majorité des artistes africains n'avaient ni site web ni biographie en ligne », confiait-elle.
Avec 1-54, elle a voulu créer une plateforme qui ne soit pas seulement un lieu de vente, mais
aussi un espace de transmission et d'éducation. En plus de cette nouvelle section dédiée aux modernes, l'édition 2025 se distingue par l'arrivée d'un grand nombre de nouvelles
galeries, qui exposeront à Marrakech pour la première fois. Ce renouvellement constant est
essentiel à l'identité de 1-54, qui fonctionne comme une « boutique fair », privilégiant une
sélection soignée et dynamique. Ce modèle, qui a fait le succès des éditions londonienne et new- yorkaise, permet à la foire de se différencier des mastodontes du marché de l'art et de rester un véritable lieu de découvertes. « Lorsque j'ai lancé
1-54 à Londres en 2013, nous étions seulement 17 galeries », rappelait Touria El Glaoui. « À l'époque, la plupart des galeries africaines n'étaient jamais invitées aux grandes foires. Le défi était de leur faire comprendre que leur participation
représentait un investissement stratégique ». Dès la première édition, toutes les œuvres exposées ont été vendues, prouvant ainsi la pertinence
d'un marché centré sur l'art africain. Le Maroc, acteur clé du marché de l'art 

Autre évolution notable cette année : un tiers des galeries exposantes sont marocaines. Une

présence qui souligne l'essor du marché artistique local et le rôle croissant du Maroc comme hub culturel pour l'Afrique. Touria El Glaoui a toujours insisté sur la nécessité d'une
représentation équilibrée des scènes africaines. «À Londres, l'Afrique de l'Est et australe sont très présentes. À Marrakech, nous avons une foire plus complète, qui met en avant les artistes d'Afrique du Nord et favorise un dialoque entre toutes les régions du continent. ». Cette montée en puissance de 1- 54 Marrakech accompagne une tendance plus
large : l'intégration croissante des scènes africaines dans l'écosystème artistique international. Les grandes institutions occidentales s'intéressent de plus en plus aux
artistes africains, et leur présence s'affirme dans les grandes collections et biennales du monde entier. « Le Maroc, par exemple, est un pays très développé en matière d'infrastructures artistiques comparé à d'autres. Il possède des maisons de vente aux enchères, des galeries, des magazines d'art. C'est extrêmement rare sur le continent. Dans certains pays, il n'y a parfois qu'un seul acteur qui fait vivre tout le marché de l'art contemporain ». Alors que l'Afrique s'impose dans les grands circuits culturels mondiaux, 1-54 Marrakech envisage déjà de nouvelles perspectives. L'enjeu pour les prochaines

éditions sera d'ouvrir encore davantage la foire aux diasporas africaines et aux artistes du Sud global. « À Londres et à New York, nous avons réussi à inclure des artistes afro-descendants et des créateurs issus du Sud global », explique Touria El Glaoui. « À Marrakech, nous sommes encore très centrés sur l'Afrique continentale, mais l'ambition est d'élargir cette approche ». Cette évolution permettrait de faire de Marrakech un véritable carrefour pour les voix artistiques émergentes de tout l'hémisphère sud, tout en
poursuivant l'exploration du dialogue entre
passé et présent. Avec cette sixième édition, 1-54 Marrakech réaffirme ainsi son statut de plateforme incontournable pour l'art africain et ses diasporas, tout en s'ouvrant à de nouvelles perspectives