Pensée en grand pour sa 16e édition, Abu Dhabi Art attire les grandes institutions et reçoit l’approbation générale des 102 galeries participantes, s’inscrivant comme la foire de la région à ne pas manquer.
Pari réussi pour Abu Dhabi Art, qui proposait cette année une 16e édition revue et augmentée. Dirigée Dalila Nusseibeh et placée sous le haut patronage de Cheikh Khaled Al Nahyan, la foire émiratie n’avait jamais connu une telle ampleur, avec 102 galeries issues de 31 pays, contre 92 l’an dernier. Parmi les exposants, 40% signaient leur première participation, à l’instar de la jeune galerie Wusum (Doha) dont la présence symbolisait le réchauffement des relations entre le Qatar et Abu Dhabi.
Max Kuning, représentant de la galerie Tanit (Munich et Beyrouth), ne doute pas que la foire pourra un jour rivaliser avec les grandes foires européennes si chaque édition est aussi bien pensée. Il présentait cette année deux objets de convoitise : des abstractions géométriques du grand Nabil Nahas, datées 1970 et chacune affichées à 350 000 $. À la demande de l’artiste cependant, celles-ci étaient exclusivement réservées aux institutions qui ont répondu à l’appel avec enthousiasme.
En effet, au vu des investissements colossaux des pays du Golfe dans le secteur culturel ces dernières années, et en anticipation de l’ouverture prochaine du Guggenheim et du Sheikh Zayed National Museum dans le hub culturel de Saadiyat, Abu Dhabi Art aguichait les grandes institutions avec l’introduction du « Collector’s Salon », concept inédit conçu par Myrna Ayad, ancienne directrice de Dubai Art. La section étalait œuvres antiques et manuscrits rares à plusieurs dizaines de milliers de dollars. « C’est l’occasion, dans un salon d’art contemporain, de montrer autre chose », explique Mathias Ary Jan, expert et fondateur de la galerie éponyme à Paris, qui a délecté le public avec une sélection des grands maîtres orientalistes du XIXe siècle, dont Jacques Majorelle.
Mariët Westermann, PDG du groupe Guggenheim, avait fait le déplacement depuis New York pour la grande affaire. Rappelons que le fonds souverain de l’émirat, ADQ, vient de s’offrir 1 milliard de dollars des parts du groupe Sotheby’s, devenant ainsi le plus large actionnaire minoritaire du groupe, un bon augure pour le développement du marché de l’art dans le pays.
Les jeunes collectionneurs dans le viseur
Le second volet, « Silk Road : Drifting Identities », a attiré comme à l’accoutumée les collectionneurs aguerris d’Abu Dhabi Art, qui reviennent chaque année pour découvrir les nouveautés présentées par les galeries d’Asie Centrale et du Caucase. Mais la section coqueluche d’Abu Dhabi Art reste la « Beyond Emerging Artists », qui invite chaque année un nombre de galeries émergentes à présenter une sélection de jeunes artistes dont les œuvres affichent un prix maximum de 3000 $. Océane Sailly, fondatrice de Hunna (Koweït), avait fait le choix de présenter ses œuvres dans la section émergente cette année, espérant cultiver un cercle de jeunes collectionneurs. « Les jeunes collectionneurs d’aujourd’hui sont les grands collectionneurs de demain, ils sont très attachés au travail de leur génération et suivent les artistes sur le long terme », explique-t-elle. Et en effet, les galeries de cette section ont connu un franc succès. Foreign Agent (Lausanne) et Wusum Gallery (Doha) ont respectivement vendu 14 et 7 de leurs œuvres, soit près de 50% de la collection qu’ils présdentaient lors de cette édition.
Pour sa première collaboration avec l’institution financière HSBC, Abu Dhabi Art a même organisé un panel pour les jeunes collectionneurs « Basics of Art Collecting ». William Lawrie, fondateur de la galerie Lawrie Shabibi, et Margo Castro, collectionneur pour la Pinkum collection, au cours d’une conversation modérée par Manav Futani, directeur de la banque aux Émirats, ont révélé leurs secrets pour commencer une collection privée, comment naviguer une foire artistique et interagir avec les galeristes.
On note l’absence de galeries marocaines cette année, bien que les artistes marocains attirent les regards et l’intérêt des collectionneurs. La galerie parisienne Leila Ben Salah exposait un nombre important d’œuvres de Chaïbia, comme son homologue Selma Feriani, galerie tunisienne basée à Tunis et Londres, habituée du salon et qui y revenait pour la septième fois. La jeune photographe marrakchie Sara Benabdallah, représentée par Nil Gallery, n’a pas manqué pas non plus de faire son petit effet avec ses photographies captivantes. Elle a d’ailleurs été repérée par Hype Beast Arabia avant même la fin de la foire. Quant aux mastodontes de la scène artistique émiratie, la galerie Lawrie Shabibi et Leila Heller étaient évidemment présentes cette année. Leila Heller a ainsi pu réaliser plusieurs dizaines de milliers de dollars de ventes, a confirmé Sosi Mehren, directrice assistante de la branche new-yorkaise.
Abu Dhabi Art, Manarat Al Saadiyat, Abu Dhabi, du 20 au 24 novembre 2024.